Et voilà, après des mois à douter, j'ai finalement pris (et bouclé) le reboot 2013 de Tomb Raider. Il faut dire qu'à force d'avis contradictoires sur le jeu, la perspective de me retrouver avec un Unchartron bis a suffi à me faire fuir lors de sa sortie sur PS3/Xbox 360. Dans sa grande mansuétude, Square Enix a choisi d'offrir aux consoles next-gen un portage de son jeu. Comment refuser d'en nourrir ma PS4 ?
Peut-on innocemment supposer que l'argument de vente du jeu ne tenait pas qu'à son gameplay ? :smilequiregardeauplafonddunairinnocent:
Contexte
Comme d'habitude, il convient de placer le jeu dans son contexte. Tomb Raider, c'est une série légendaire dont la naissance remonte à 1996. Les premiers jeux furent développés par Core Design, studio anglais partenaire d'Eidos. Un parfum d'aventure, un monde entièrement en 3D, des énigmes et des combats exaltants : voilà ce que retiennent pas mal de joueurs et de joueuses en pensant à "Tomb Raider" (tout du moins, le premier du nom). Et... hein ? Quoi ? Aurais-je oublié un léger détail ? Ah oui, pardon : l'autre chose que tout le monde retient de Tomb Raider, c'est Lara Croft, son héroïne. En fait, il est presque impossible de parler de Tomb Raider sans parler de Lara Croft, qui a porté la franchise sur ses épaules pendant de nombreuses années.
On peut dire que c'est une partie du problème : trop confiant dans sa capacité à capitaliser sur son héroïne, Eidos a fini par négliger le fond de son gameplay, si bien que Tomb Raider est rapidement devenu synonyme de jeux moyens et d'histoires abracadabrantes. Bien avant Call of Duty et Assassin's Creed, Tomb Raider avait réussi l'exploit d'imposer un épisode par année. De 1996 à 2000, la série a connu 5 épisodes sur PC et console de salon, en plus d'un épisode sur Gameboy Advance. En 2001 et 2002, deux autres épisodes portables sont sortis, poussant la critique - légèrement exaspérée - à considérer Tomb Raider comme une franchise de seconde zone. Conscient du problème, Core Design décide de frapper en group coup, de moderniser sa série phare avec "Tomb Raider: The Angel of Darkness" en 2003, une sorte de reboot avant l'heure. Le résultat fut dramatiquement mauvais, confirmant la déchéance d'une série usée jusqu'à la moelle.
Notes moyennes des jeux Tomb Raider, selon Metacritics et GameRankings. La plateforme concernée est indiquée.
Pendant trois ans - une éternité, vu le rythme auquel Eidos avait habitué son public - Tomb Raider disparaît des radars. La franchise quitte ses parents et tombe entre les mains de Crystal Dynamics, un autre studio d'Eidos connu pour son travail sur Gex (une série totalement oubliée aujourd'hui) et Legacy of Kain (les mauvais épisodes... enfin plutôt, les "moins bons" épisodes, pour ne pas offusquer les fans de Raziel). Besogneux, le studio sort en 2006 "Tomb Raider : Legend". Les efforts sont payants : les critiques parlent d'une résurrection, le public peut enfin apprécier un Tomb Raider sans avoir honte pour la première fois depuis 8 ans. S'en suivent alors deux autres titres : "Tomb Raider : Anniversary", qui reprend les premiers épisodes, et la conclusion "Tomb Raider : Underworld". Ces deux suites sont raisonnablement bien accueillies par la critique, mais Underworld peine à atteindre ses objectifs commerciaux. Le signal que la série s'essouffle à nouveau : Lara Croft retourne alors en coulisses pour quelques années, avant que le public ne se désintéresse complètement.
C'est à cette époque que Square Enix - la compagnie coupable responsable de la licence "Final Fantasy" - rachète Eidos afin de "s'occidentaliser". Sous l'égide de SquiX, Crystal Dynamics sort un spin-off de Tomb Raider, "Lara Croft and the Guardian of Light", sous la forme d'un petit jeu indé. Un succès critique surprise, qui a valu au spin-off d'être décliné sur à peu près toutes les plateformes existantes (iOS y compris). Pendant ce temps, les réflexions vont bon train sur l'avenir des "vrais" Tomb Raider : il est décidé que le prochain serait un reboot, mettant en scène une Lara moins sexualisée et moins expérimentée. Le studio y travaille pendant des années, proposant moult versions différentes et souvent très éloignées du résultat final (entre autres, une sorte de "Shadow of the Colossus" version Tomb Raider). SquiX n'est manifestement pas regardant à la dépense, à tel point qu'au moment de la sortie du jeu, les experts financiers se rendent compte qu'il faudra vendre entre 5 et 10 millions de jeux pour être rentable. Ca, c'est de la putain de gestion d'entreprise !
Ainsi apparaît le plus gros paradoxe de cette génération de consoles : le reboot est très bien accueilli par la presse, les gens l'achètent en masse (plus de 4 millions de jeux vendus en quelques semaines), mais SquiX se plaint des mauvaises ventes. Un désaveu difficile à avaler. En effet : à force de gérer les licences d'Eidos avec les pieds, SquiX a enchaîné plusieurs cas similaires dans l'année (Hitman, Sleeping Dogs : bonnes ventes, mais pas assez) et s'est retrouvé momentanément dans une situation financière peu reluisante menant à la démission de son PDG. Depuis lors, la compagnie se focalise frénétiquement sur la rentabilisation à outrance, quitte à mécontenter les employés ou à réduire ses licences à de simples jeux iOS (Deux Ex, Hitman), à faire des remakes minimalistes (Deus Ex, Tomb Raider) ou à faire planer le doute sur l'avenir des licences (Hitman). Fort heureusement, il semblerait que la société ait néanmoins donné son accord pour qu'une suite du reboot de "Tomb Raider 2013" voit le jour, d'autant que l'épisode est finalement devenu rentable. On peut néanmoins imaginer que les dépenses seront surveillées d'assez près...
Que vaut ce nouveau Tomb Raider ?
Ok, la contextualisation fut plus longue que prévu, d'autant que je n'en ai pas fini. Je passerai donc rapidement sur mon expérience vis-à-vis de Tomb Raider et mes attentes par rapport à ce reboot : j'ai eu la chance de faire le premier titre en 1996, puis d'acheter le second et de le vomir avec force et conviction (oui, ça ne veut pas dire grand chose). Il faut dire qu'entre temps, Mario 64 était arrivé, et la liberté de mouvement dans un univers en 3D s'en était retrouvée chamboulée. À mes yeux, Tomb Raider rejoignit rapidement le rang des séries ringardes, avec Resident Evil. Tout au plus me souvenais-je avec émoi du premier épisode, de son ambiance "Indiana Jones" inoubliable et de son thème musical, qui faisait parfois irruption pour accompagner la découverte d'un tombeau plongé dans l'obscurité.
Ce n'est qu'avec "Tomb Raider : Underworld", dix ans plus tard, que j'ai pris la peine de tester la démo d'un jeu de la série. Entre obsolescence (l'apparence de Lara) et bonne surprise (le gameplay), le jeu final n'a malheureusement pas atteint ma Xbox 360.
En parallèle, j'ai également eu la désagréable expérience de tester "Uncharted : Drake's Fortune", vendu comme étant l'héritier spirituel de Tomb Raider. Honnêtement, on peut difficilement imaginer une plus belle négation du concept "d'aventure" (voire, une négation du concept de "jeu vidéo"), tant Uncharted résume à lui seul toutes les pires tares de cette génération : une liberté complètement absente (par "complètement", comprendre "les développeurs auraient pu retirer la possibilité de bouger, ça n'aurait rien changé"), un gameplay réduit aux massacres de centaines d'ennemis stupides qui s'enchaînent, des énigmes et des phases de plateforme tellement limitées qu'on pourrait les prendre pour des insultes. L'ambiance du jeu, résolument "pulp à la Indiana Jones", sauve un peu les meubles, mais est elle aussi entravée par le gameplay.
C'est alors que Crystal Dynamics annonce le reboot de Tomb Raider. Initialement présenté comme étant "plus ouvert", le titre a rapidement attisé ma curiosité - l'ouverture du terrain de jeu étant à mes yeux l'évolution logique des jeux d'aventure et d'exploration. Les news qui se succèdent par la suite montrent cependant un jeu qui se rapproche toujours plus de Uncharted, pour des raisons évidentes puisque c'est le "truc qui chope les bonnes notes et qui se vend bien". Quand Tomb Raider, ze reboot, sort enfin, la presse et les avis sont divisés sur ce point : certain(e)s parlent d'un "Uncharted with Lara Croft", d'autres indiquent que le jeu est finalement assez libre.
Sentiment d'exploration
Au final, il s'avère que c'est plutôt dans la deuxième catégorie que je me situe. Tomb Raider dispose d'un degré de liberté acceptable. On est loin des open-worlds, mais c'est parfois pour le meilleur puisque le titre de Crystal Dynamics conserve une structure qui fait parfois défaut à des Just Cause ou des GTA : Lara ne traverse pas le village des montagnes comme Rico survolerait la chaîne montagneuse de Panao avec son parachute-grappin-magique. Mais le plus important, c'est que chaque lieu découvert ne sert pas que d'un décor pour des gunfights interminables, comme c'est le cas d'Uncharted.
Graphiquement, ça tue pas mal la gueule à sa grand-mère, quand même. Sur PS4, le jeu tourne à 60FPS en 1080P, ce qui change considérablement la donne quand on vient de la génération précédente.
En fait, la structure de ce Tomb Raider est assez simple :
- Les zones "normales" sont présentées généralement au cours d'une scène d'action. Il peut s'agir d'un gunfight nerveux ou d'infiltration. Une fois la scène terminée, la/le joueuse/joueur est libre de revenir sur ses pas et d'explorer pour trouver des bonus divers et variés. À partir du moment où vous vous prenez au jeu, le ratio combat/exploration est à peu près de 1:2. Les zones étant souvent travaillées, on prend rapidement plaisir à les découvrir. Bref, ça m'a plu.
- Il existe d'autres zones qui ne servent qu'à un moment précis de l'histoire. En général, elles se limitent à de l'action nerveuse. Course, dégringolade, baston, infiltration, le menu de ce Tomb Raider est assez varié mais s'enfonce un peu trop rapidement dans la médiocrité "unchartedisée" à force de QTE, de chemins tout tracés du type "va-là-où-je-veux-ou-crève" ou de combats qui s'éternisent... heureusement, l'alchimie entre ces zones "scriptées" et les zones d'exploration est suffisamment savante pour ne pas (trop) blaser. En résumé : c'est parfaitement supportable, même si vous détestez qu'on vous prenne pour un mouton ou une brebis.
Vous l'aurez donc compris : malgré les risques de dérive, ce reboot de Tomb Raider a su préserver ses racines de "wannabe archéo-explorateur", et c'est à peu près tout ce que j'espérais.
Pour le reste, les gunfights ne sont pas trop mauvais. Lara dispose de 5 armes customisables plutôt convaincantes - autant de manière d'exploser du salopard - ainsi que de quelques mouvements pour éliminer discrètement les imprudents qui ne l'auraient pas remarquée (ça n'arrive pas souvent, mais ça arrive quand même). En termes de maniabilité, l'héroïne a du répondant : j'ai pris plus de plaisir à la diriger qu'à supporter Edward et sa fâcheuse tendance à cultiver des relations intimes avec chaque mur dans Assassin's Creed 4. En revanche, les QTE sont plutôt irritants sans atteindre les niveaux les plus médiocres de l'histoire du jeu vidéo, et les séquences de glisse n'ont peu - voire pas - d'intérêt.
Atmosphère
Côté ambiance, Tomb Raider souffle le chaud et le froid. L'impression qui en ressort, c'est qu'à force de tâtonnements, le jeu s'est retrouvé "le cul postérieur entre deux chaises".
Les personnages - Lara y compris, finalement - ne sont pas vraiment intéressants, ni plaisants. Dans certains cas (Whiteman), on atteint même la caricature bon marché. Notez que les caricatures ne posent pas de problème dans un univers pulp, qui consomme du cliché comme une voiture consomme de l'essence. Mais c'est là un autre problème de ce Tomb Raider : on ne sait pas s'il se veut pulp ou s'il se veut réaliste. D'un côté, le scénar met en avant l'importance de la survie dans un environnement sauvage et la minute d'après, on nous envoie massacrer des soldats par paquet de dix dans un temple en train d'exploser. L'absence complète d'humour sied plutôt à un univers "réaliste", mais les situations sont parfois trop grotesques pour rester crédibles.
C'est du côté de son île et du mystère qui l'entoure que Tomb Raider trouve le salut. L'histoire de la Reine Soleil est assez bien amenée - d'autant que celles et ceux qui prennent la peine de trouver tous les documents auront plaisir à comprendre ce qui se trame en avance. Pour parfaire le tout, la direction artistique est intéressante : plutôt que de visiter une énième repompe de l'Atlantide ou de l'Égypte antique, Lara nous emmène dans une culture qui n'est pas connue pour ses merveilles archéologiques. On découvrira donc avec plaisir une architecture "japonaise antique" et on savourera comme il se doit la présentation originale de l'intrigante Himiko, première reine mythique du "Japon" dont certaines mentions remontent à l'époque des Trois Royaumes.
Finalement, mon seul véritable regret est la durée de vie plus que légère du titre. Le vider à 100% ne prendra qu'une petite vingtaine d'heures. Pour un titre AAA, c'est quand même assez faible, d'autant que la résistance des ennemis est toute relative, même en mode difficile. On peut également ajouter que la bande-son du jeu est assez quelconque - ce qui s'avère presque étonnant quand on sait que les gros jeux sortent rarement sans au moins un thème marquant.
Il reste néanmoins un dernier point à aborder, du genre qu'on ne peut négliger quand on parle d'un jeu ayant pour protagoniste une femme...
La nouvelle Lara
Ces derniers mois - voire, ces dernières années - la polémique concernant la représentation des personnages féminins dans les jeux vidéo a pris une ampleur considérable. Pour celles et ceux qui considèrent ce sujet comme sans intérêt, je vous invite à faire un petit test. Prenez tous les jeux de votre ludothèque et posez-vous quelques questions du genre :
- Parmi les protagonistes / antagonistes principaux, quel est le ratio homme/femme ?
- Parmi les personnages féminins, combien d'entre eux existent autrement qu'en guise de petite copine d'un héros ?
- Seriez-vous capables de décrire le visage des personnages féminins du jeu, autrement qu'en vous référant à des attributs extérieurs / modifiables (coupe de cheveux, piercings ou autre) ?
En tous cas, je fais partie des gens que le sujet intéresse. Par conséquent, la représentation de "Lara 2013" m'importe.
Évidemment, en tant que représentante emblématique des protagonistes féminins de jeu vidéo, Lara Croft fut, est et sera encore pour longtemps au centre de ces discussions. Initialement pensée comme appât pour jeune mâle en rut, elle s'est étonnamment imposée auprès de certain(e)s comme le symbole de l'héroïne intrépide. Mieux encore, malgré sa plastique hypersexualisée, Lara a toujours conservé un tempérament "farouche", "maîtresse d'elle-même", un point qui la rapproche d'une Bayonetta et qui l'affection de certain(e)s féministes pour le personnage.
Alors que la réputation sulfureuse de Lara perdait de son éclat, Crystal Dynamics a décidé d'abandonner l'hypersexualisation et de nous offrir une vision plus réaliste de son personnage. Quel est le message que renvoie cette version assagie de Lara Croft ?
Apparence
Parlons d'abord de son apparence.
Il est indéniable que Lara est devenue plus "vraisemblable". En même temps, c'était obligé : comment conserver des proportions exagérées dans un jeu dont le style graphique se veut photoréaliste ? Ce détail commençait à peser sur les dernières productions. Entre des personnages secondaires réalistes et une Lara fantasmée, il y avait un fossé gênant pour la crédibilité de Tomb Raider.
Hé ben hé ben... si tout le monde avait "aussi mauvaise mine" ne serait-ce qu'en se levant le matin, on pourrait tous se prétendre à la première place de Miss / Mister Suisse / France / Whathever...
Et pourtant, cette nouvelle Lara reste très largement fantasmée. Certes : on a quitté le stade "fantasme d'adolescent pré-pubère" pour atteindre celui du "fantasme de jeune adulte", mais ça reste du fantasme. Difficile de trouver la moindre imperfection à son visage, ou simplement d'en décrire les contours. Dans les jeux vidéo, les personnages féminins importants ne se démarquent que peu des canons de beauté de la culture dont ils sont originaires, et cette nouvelle Lara ne remet aucunement cette affirmation en cause. On est très loin du travail effectué par Hideo Kojima (pourtant souvent décrié pour ses délires malsains avec les personnages féminins de ses jeux) sur des personnages comme The Boss ou Eva.
Ce refus pudique de prendre un risque avec la plastique de Lara va jusqu'à affaiblir la cohérence de son rite initiatique. Lara n'est jamais marquée par ce qui lui arrive. Dans le pire des cas, elle a du sang et de la boue sur le visage, et puis... voilà. Ca disparaît dès qu'elle plonge la tête dans l'eau. Difficile de concevoir qu'un personnage vive une telle aventure et s'en sorte indemne physiquement. Comparons encore une fois avec Metal Gear Solid 3 : le baptême de feu de Big Boss a eu plus d'un impact sur son apparence physique (le plus évident étant son oeil crevé). J'aurais espéré une audace similaire de la part de Crystal Dynamics. "On n'a pas le droit d'amocher un joli personnage féminin" reste le mot d'ordre dans ce Tomb Raider.
Il reste cependant un très bon point concernant l'apparence de la jeune Lara Croft : ses vêtements. Les concepteurs et conceptrices ont su conserver des liens avec la Lara d'autrefois tout en évitant la complaisance. Un débardeur bleu-gris par référence à la combinaison moulante turquoise, un pantalon d'archéologue plutôt qu'un short très court : la tenue de Lara a l'air d'une tenue "pratique" plus que "sexy". Quand il a été annoncé que des costumes alternatifs allaient sortir, j'étais persuadé que Square Enix allait céder à la tentation d'imposer une tenue sexy pour Lara, genre "tenue Lara Original pour 10€... qui veut mater la nouvelle Lara ? Qui ?". Après tout, c'est ce qu'ils font à cette pauvre Lightning. Et là, surprise : il n'en est rien. Les tenues alternatives restent cohérentes, vraisemblables et perpétuent cette idée d'une Lara "pratique avant tout", un aspect qui colle bien à sa nouvelle personnalité.
Caractère
Étrangement, j'ai été plus convaincu par le caractère de Lara que par son apparence. Les premiers signes étaient pourtant peu encourageants. Entre le test de Gamekult qui se plaint de la transformation trop rapide du personnage, ou l'article de Merlanfrit conspuant l'intégralité du jeu en l'accusant des pires déviances sexistes, je m'attendais au pire. Et ça, c'est sans parler des justifications maladroites des développeurs qui invitaient les joueurs à ne pas s'identifier à Lara comme ils le feraient avec un personnage masculin, mais plutôt à la prendre comme une faible petite chose que nous devons - en tant que mâles - aider à prendre son envol. C'est mignon...
En fin de compte, le personnage n'est jamais représenté comme étant faible. Oui, au début du jeu, Lara n'a pas encore l'habitude de cautériser ses propres blessures avec une tête de flèche chauffée à blanc ou de découper des gorges à tour de bras - excusez-la. Ça n'est pas pour autant qu'elle s'effondre comme une mijaurée lorsque ces situations se présentent : Lara envisage la situation avec une appréhension réaliste mais s'exécute sans faire de chichi. Retenons entre autres la remarque qu'elle fait à Roth après avoir tué pour la première fois : si elle est choquée par quelque chose, c'est de constater à quel point il est "facile" de tuer quelqu'un.
À partir de là, comment la trouver "faible" ou "soumise" ? À mon sens, ce que certain(e)s perçoivent à dessein comme de la soumission peut s'expliquer de deux manières :
- Le caractère de Lara. La nouvelle Lara est présentée comme introvertie, sérieuse, mais pas pour autant influençable ou sans moyen de défense. Ca donne lieu à des situations où elle semble passive, voire où elle s'en veut d'avoir mené l'expédition là où elle se trouve. Mais jamais elle ne s'excuse de surpasser les épreuves qui se présentent à elle (d'origine environnementale ou humaine).
- Le style du jeu. Comme expliqué à la page précédente, Tomb Raider se serait voulu "réaliste". Par conséquent, difficile de comparer Drake de Uncharted - qui est clairement dans le registre du "pulp porte-nawak explosif" - et Lara qui aurait dû se montrer plus vraisemblable si le jeu avait su respecter son registre du début à la fin. Le problème ne vient donc pas du personnage, mais plutôt du jeu lui-même.
La présence de son mentor paternaliste - Roth - est un autre point qui fait débat. À juste titre ? Finalement, cette relation est certes clichée, mais elle ne suffit pas à éclipser les qualités du personnage. Oui, elle se lâche quand elle parle avec lui. Oui, il est très protecteur. Oui, le dénouement de cette relation est superflu (ou plutôt, ils auraient pu présenter les choses autrement...). Oui, si les scénaristes avaient interverti Reyes et Roth, on aurait évité la complaisance potentiellement machiste. Mais ça reviendrait à dire qu'un bon personnage féminin n'a pas le droit d'avoir un mentor masculin, et du coup... je me demande où se trouve le sexisme.
Enfin, notons que le principal antagoniste du jeu est un homme, avec qui Lara partage beaucoup de traits de caractère. Le scénario insiste là-dessus (et c'est l'un de ses rares bons points) : Mathias et Lara sont les deux seuls personnages qui ont les épaules suffisamment fortes et le tempérament nécessaire pour survivre aux périls de l'île. Le fait que le jeu tire un trait de comparaison entre deux protagonistes sans prendre en compte leur genre est une preuve supplémentaire d'une certaine maturité.
Finalement, la seule chose réellement dérangeante dans ce Tomb Raider, c'est la promotion gerbante qui en a été faite. Comme quoi, certaines personnes en charge de la communication autour du titre n'avaient manifestement pas le bagage nécessaire pour comprendre ce que leurs collègues essayaient de faire...