Pour faire suite à la création de personnage, voici un second article présentant le déroulement d'une scène "technique" typique de Jackals. La plupart des jeux de rôle mettent l'accent sur l'action et, plus encore, sur les affrontements physiques. Jackals ne faisant guère exception à cette règle, je vous propose une simulation de combat entre Amennekht et un adversaire emblématique du jeu.

Dans Jackals, tout personnage est doté de "points de Clash" qui déterminent son potentiel d'action. Pour préparer une rencontre équilibrées, le MJ est encouragé à comparer le nombre de personnages et le niveau de Kléos (la réputation, en gros, qui augmente avec les aventures) au nombre de points de Clash des adversaires. Seul et débutant, Ammenekht n'affrontera donc qu'un ennemi isolé.

Cependant qu'il voyage seul à la frontière du Désert Vori, Ammenekht tombe sur une scène on ne peut plus pittoresque : un mineur, attiré comme tant d'autres par les rumeurs de richesses cachées en ces terres interdites, se prostre au sol, sidéré de peur à quelques mètres d'un infâme Oritakan - l'une des créatures ayant asservi les voisins de Gerwa il y a des décennies. Ni une, ni deux, Ammenekht s'interpose héroïquement.

Déroulement

L'Oritakan bénéficie de 2 points de Clash, alors qu'Ammenekht en dispose de 5. Le mineur, un PNJ quelconque, est terrifié : il ne réagira pas et ne bénéficie que 20 points de vie. L'enjeu serait donc de le protéger ou, à défaut, d'abattre la créature.

Initiative

L'initiative se calcule avec 1d6 additionné au score d'habilité (deftness) du personnage.

  • Dans le cas de l'Oritakan : 6 (jet) + 15 = 21.
  • Dans celui d'Amennekht : 2 (jet) + 12 = 14.

L'Oritakan prend donc les devants.

Petite information conne qui m'a fait perdre un peu de temps : le livre précise d'utiliser "deftness" pour calculer l'initiative, mais les boites de statistiques des PNJ utilisent plutôt le terme "initiative".

Attaque de l'Oritakan

Un PNJ a un score d'attaque, lui-même divisé en différentes options de combat. Plus le résultat du dé et haut (et flirte avec la limite supérieure de la compétence du PNJ), plus l'éventail de fourberies offertes au MJ se veut large, puisque toutes les options inférieures au résultat des dés sont accessibles.

L'Oritakan utilise donc son mouvement normal pour s'approcher d'Amennekht, et tente une attaque.

  • Les dés retournent 57, l'Oritakan dispose d'une compétence d'attaque de 60.

Joli jet ! Toutes les options sont envisageables, et il faudra qu'Amennekht obtienne un bon jet pour parer, le cas échéant. Face à ce succès, le MJ choisit Flail of Ignorance pour infliger des dégâts : il s'agit d'une double attaque. Si la première passe, l'Oritakan en placera automatiquement une seconde.

L'Oritakan brandit son fléau en s'avançant vers Amennekht, l'impudent s'étant interposé entre sa cible et lui. Fouettant l'air, il abat les épais battants cloutés de son arme sur le jeune Ger.

Amennekht peut dépenser un point de Clash pour se défendre. Puisqu'il dispose de 5 points, en employer un pour s'épargner des blessures est une évidence.

  • Sa joueuse lance les dés : 33.

L'attaque est réussie et c'est une critique, puisque les deux dés donnent le même chiffre ! Dans ce cas, Amennekht inflige les dégâts maximaux de son arme, qu'il booste de deux points de Clash pour y ajouter 1d6 : 10 (arme) + 6 (boost) + 4 (bonus de force). L'Oritakan bénéficie d'une armure qui réduit les dommages à 18, lui laissant la somme rondelette de 17 points.

Face à la menace, Amennekht répond par une offensive. Il se fend, détourne le bras d'arme de l'Oritakan d'une puissante poussée de son bouclier, puis assène un violent coup de Khépesh dans l'épaule de la créature, qui chancelle sous l'impact.

Réponse d'Amennekht

Le principal objectif d'Ammenekht dans cette scène, c'est de protéger le mineur. Afin d'empêcher la créature d'attaquer sa cible initiale, Ammenekht utilise l'action "Défier", provoquant une opposition entre son score d'influence et la défense adverse.

  • Ammenekht : 48 / 76
  • Oritakan : 87 / 70

Un succès contre un échec, l'Oritakan devra donc dépenser un point de Clash pour s'en prendre à quiconque d'autre qu'Amennekht jusqu'au prochain tour du Ger. Théoriquement, l'Oritakan pervers pourrait toujours s'acquitter d'un point de Clash pour s'éloigner d'Amennekht en esquivant son attaque "d'opportunité", puis en utiliser un autre pour frapper le mineur.

Amennekht saisit l'occasion pour avancer d'un pas, bombant le torse et foudroyant du regard son adversaire. L'Oritakan, plié de douleur, se redresse péniblement, courbant l'échine face au défi silencieux qui lui est adressé.

Seconde action de l'Oritakan

Les Oritakan sont perfides, aussi celui-ci va précisément tenter de se désengager pour pourfendre le misérable mineur. Son tour se passe donc en deux temps :

Le désengagement. Voyant son adversaire se dérober, Ammenekht saisit naturellement l'occasion de lui porter un coup. L'Oritakan dépense 1 point de Clash pour pouvoir esquiver.

  • Ammenekht obtient 79 sur 87
  • l'Oritakan obtient 19 sur 70

Malgré le succès de son action, la créature subit l'attaque d'Ammenekht (résultat plus élevé). Elle encaisse 1d10 + 1d4 points de dommage :

  • 6 et 4

diminués de 2. Il ne lui reste plus que 9 points de vie.

L'Oritakan poursuit.

  • L'attaque qui cible le mineur : 40 sur 70.

L'attaque passe, et l'Oritakan emploie sa Dance of Slaughter pour infliger les dégâts à Ammenekht ainsi qu'au mineur. Puisqu'il s'agit d'un PNJ, le jeu recommande d'employer les dégâts "statiques" plutôt que de lancer des dés : 16 points. Le mineur est aux portes de la mort, alors qu'il ne reste plus que 28 points de Valeur à Ammenekht. Lorsque ses points seront entièrement dépensés, il commencera à subir des blessures sérieuses.

L'étrange Oritakan se meut lestement sur le flanc gauche d'Ammenekht, accélérant au dernier instant dans l'espoir de prendre le Ger de vitesse. C'est peine perdue : l'homme se retourne et abat son Khépesh dans le dos de son adversaire sournois. Cela ne l'arrête pas pour autant. Glapissant de frustration, l'Oritakan fait tournoyer son sinistre fléau, forçant une esquive in-extremis chez Ammenekht, alors que l'arme fond lourdement sur sa véritable cible : le mineur, dont elle fracture les côtes sans ménagement.

Comme ça, difficile de savoir si l'attaque du PNJ, qui ciblait initialement le marchand, peut être opposée par Ammenekht lorsqu'elle se transforme en attaque multiple. Afin de tester les dégâts sur les PJ, partons du principe que non. Mais la question restera entière autour d'une table de jeu.

Seconde action d'Ammenekht

L'heure n'est plus aux feintes. Ammenekht tente une attaque, qu'il entend bien améliorer si celle-ci passe :

  • 100, la pire maladresse imaginable !

Le trait "Warrior Caste" d'Ammenekht permet cependant de tirer deux dés pour déterminer les unités, plutôt qu'un seul. La joueuse relance : 10. Décidément... le destin s'acharne !

Faute de points, l'Oritakan ne riposte pas et sauf erreur de ma part, les règles ne spécificent pas vraiment l'impact d'un échec critique dans cette situation. La page 114, pour la compétence Craft, mentionne cependant qu'un équipement brisé inflige un malus de -2 à son utilisation : partons du principe qu'Ammenekht a brisé sa lame contre une roche avoisinante.

Pris d'une sueur froide - lui qui croyait maîtriser la situation ! - Ammenekht se précipite sur l'Oritakan. Dans son empressement, il glisse sur le sable au moment de porter son coup. La fragile lame de son Khépesh percute un rocher et virevolte au loin, ne laissant au Ger que la base de son épée - un tronçon vaguement aiguisé - pour se défendre.

Troisième action de l'Oritakan

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? L'Oritakan surenchérit et cible à nouveau le mineur - cette fois-ci, sans avoir à dépenser de point de Clash.

  • Résultat : 5.

Selon la table des actions de l'Oritakan, celui-ci n'a guère le choix : il se fend d'un Rallying Laughter, puisque ces créatures sont généralement plutôt des meneuses que des guerrières solitaires. Ce rire démoniaque lui vaut de récupérer 1d8 point de vie,

  • soit 6

, en l'occurrence.

Les déboires de son adversaire, la fragilité de sa proie, tout semble s'aligner au mieux pour l'Oritakan qui, l'espace d'un instant, se pensait perdu. Trop sûr de lui, il ne peut réprimer un sinistre ricanement qui le conforte dans sa position de prédateur alpha.

Troisième action d'Amennekht

Un autre round, une autre tentative.

  • Ammenekht frappe avec son Khépesh : 5, là aussi.

Autant dire que rejeter le dé des unités ne pourrait rien donner de bon, encore une fois. En face, l'Oritakan réagit en dépensant un point de Clash : il a de fortes chances de pouvoir dépasser ce score.

  • 77, sur 60 : l'action échoue.

Ammenekht dépense alors deux points de Clash pour améliorer les dégâts de 1d6 :

  • Dégâts (1d10 + 1d6 + 1d4) : 2 - 4 - 3

Le résultat est médiocre, si tant est qu'Ammenekht emploie son point de Destin pour relancer les dégâts. Cette fois-ci, il obtient les scores impressionnants de

  • 10 - 6 - 3

soit 19 points de dégât, auxquels sont soustraits 2 pour la lame brisée et 2 pour l'armure. L'Oritakan subit 15 points... et s'effondre, puisqu'il lui restait exactement cette somme. Par les Huits, le combat est gagné !

C'est un geste désespéré qui met fin à la confrontation : saisissant sa chance, Ammenekht porte un coup qui semble mal engagé, contre lequel l'Oritakan ne parvient pourtant pas à surenchérir. Avec force, ce qui reste de la lame brisée passe à travers la gorge de sa cible, emportant sa trachée dans son sillage. Le monstre sent ses forces le quitter. Il titube sur quelques mètres jusqu'à ce que ses jambes le trahissent, s'effondre au sol et s'endort pour l'éternité.

Impressions

Assez rapide, plutôt ouvert aux tactiques, lisible dans ses probabilités, relativement clair dans son fonctionnement : au vue de cette première joute, le système de Jackals se veut plutôt rassurant.

La meilleure idée du système vient bien sûr des points de Clash, qui me rappellent un peu le système de Dark Earth, tout en restant moins lourds (pas de "phase de répartition" en début de round). Pour les joueuses, les options offertes par la répartition de ces points offrent une meilleure maîtrise du combat. Pour le MJ, il s'agira surtout de menacer les PJ trop sûrs d'eux et de les inciter ainsi à vider d'abord les points de Clash adverses avant d'essayer une attaque risquée. Ces options, couplées aux actions disponibles, offrent aux affrontements un bon équilibre entre "narration" et "ludisme". Un autre mécanisme sympathique du système réside dans sa gestion des réussites et des échecs critiques, ainsi que des traits qui permettent de lancer deux dés pour les unités. Ok : dans notre exemple, nous n'avons guère eu l'occasion d'en profiter, mais c'est vraiment un double coup de malbol !

Sans être la plus grosse brute du monde, Amennekht bénéficie tout de même de 45 points de Valeur, suivi de 18 points de blessure, alors que l'Oritakan occasionne en moyenne 16 points de dommage. À ce ryhtme-là, il aurait fallu au Ger de nombreux tours avant de tomber. On peut dire que les personnages sont assez bien protégés ! Ceci dit, une fois la Valeur épuisée, la récupération semble relativement longues. J'imagine qu'un personnage blessé peut vite faire office de boulet dans une équipe perdue en territoire hostile. À noter que les PNJ sont censés commencer à fuir lorsque 50% de leur effectif est au sol, de sorte à accélérer les combats, ainsi qu'à inspirer les joueuses à faire de même si leurs personnages sont en mauvaise posture. Au final, un seul aspect du jeu s'est avéré gênant dans cette scène : les informations ne sont pas toujours présentées de manière très structurée et l'arbitrage du MJ sera parfois nécessaire pour clarifier certains points de règle.

[Exemple de règles] Jackals - Organisation Très Secrète
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L'illustration de l'Oritakan utilisée dans la couverture de cet article est la propriété de Osprey Publishing.