Dimanche 7 août 2014, notre groupe termine "Les Masques de Nyarlathotep" à la suite d'une séance de 6h. L'an passé, j'avais déjà posté une critique de cette campagne sur Sens Critique, suivie d'une version longue sur ce blog. Il est temps aujourd'hui d'étayer cet avis. Ce billet contient un résumé de la campagne, quelques informations statistiques et finalement, divers commentaires.

Autant vous prévenir tout de suite : ça va spoiler !


Statistiques

  • La campagne s'est déroulée sur 30 séances, réparties sur un peu moins de 2 ans (07.10.2012 - 07.09.2014). Nous visions un objectif d'une séance toutes les trois semaines, force est de constater qu'il a été atteint. Une première !
  • Pour le lol, 30 séances de 4h représentent 120h de jeu.
  • 5 joueurs composaient le groupe à l'origine, mais celui-ci fut réduit à 4 joueurs immédiatement après la première séance. Le groupe retrouva son effectif initial six mois plus tard, avant de redescendre à 4 joueurs, puis à 3 vers début 2014. Une fin en petit comité.
  • Hors des trois joueurs qui ont fini la campagne, l'un a assisté à 29 des 30 séances. Ses deux collègues en ont joué la totalité. Un nouveau record !
  • Côté PJ, pas moins de 21 personnages se sont lancés sur les traces de l'Expédition Carlyle. 9 d'entre eux ont trouvé la mort dans des circonstances brutales, 5 ont été retirés de la campagne du fait de l'abandon de leurs joueurs, 2 ont succombé à la folie. À noter que depuis l'instauration du système "Trail of Cthulhu" en remplacement du système officiel, seule une mort violente fut à déplorer sur plus d'une dizaine de séances.

Bien que ces chiffres relèvent surtout du fonctionnement de notre groupe, il est possible d'en extrapoler des généralités concernant "Les Masques de Nyarlathotep".

La première, c'est que la campagne est bien trop meurtrière pour le système de jeu proposé par l' "Appel de Cthulhu". On parle d'une dizaine de PJ morts, soit l'équivalent de deux groupes entiers, sur quinze séances. Et ça, c'est sans utiliser tout le potentiel destructif des "méchants". Le changement pour le système de "Trail of Cthulhu" fut bénéfique, permettant à tout le monde d'avoir plus de maîtrise sur les événements.

La seconde, c'est que la campagne s'essouffle rapidement. Les joueurs qui ont quitté le navire l'ont fait pour des raisons qui n'étaient pas en rapport avec le jeu de rôle, mais ils n'ont pas manifesté l'envie de reprendre la campagne en cours de route lorsqu'ils en avaient la possibilité. On est très loin de l'enthousiasme généré par "Tian Xia" ou les "Cinq Soleil".

La troisième, c'est que cette campagne est finalement d'une taille moyenne : 30 séances, c'est deux fois moins que ce qui a été nécessaire pour "Tian Xia" et cinq séances de moins que pour la première moitié des "Cinq Soleil". Là encore, les années et la réputation ont fait des "Masques de Nyarlathotep" une œuvre plus imposante qu'elle ne l'est en réalité, même si la longueur d'une campagne n'est pas proportionnelle à sa qualité.


Résumé

Spoiler alert : à partir de là, ce billet dévoile toute l'intrigue de la campagne.

Ci-dessous, un court résumé de la campagne. Il ne s'agit pas de romancer nos aventures, mais d'offrir d'un aperçu du fonctionnement de cette campagne dans un groupe comme un autre. Le détail de presque toutes les séances peut être trouvé sur notre Wiki.

New York

Séances 1-4. Mon ressenti : positif.

Les différents membres du groupe se rencontrent pour donner suite aux télégrammes envoyés par Jackson Elias. Ces wannabe investigateurs découvrent la mort du journaliste et se lancent à la poursuite des coupables. Ils rencontrent Anthony Cowles et sa fille, obtiennent un rendez-vous auprès d'Erica Carlyle, ignorent la piste de Sarah Morgan - jugée comme hors sujet - et fraient avec la police pour obtenir plus de renseignements. Jonas Kensington n'est que peu consulté, là où le Lieutenant Poole est largement mis à contribution. Arthur Emmerson est interrogé par les joueurs, puis assassiné d'une manière similaire à celle d'Elias. Par suite d'un jeu de cache-cache avec les membres de ce qu'ils soupçonnaient - à juste titre - être un culte impie, les PJ mettent la boutique Ju-Ju sous surveillance et font irruption durant une cérémonie mensuelle. Un combat à l'issue incertaine s'ensuit, le groupe et deux escouades de police parviennent à mettre un terme aux agissements de la secte à New York. Aucun mort n'est à déplorer du côté des PJ, bien qu'un séjour à l’hôpital s'impose. Ils récupèrent également l'essentiel des documents importants de ce chapitre, à l'exception de la collection des Carlyle.

La première partie de la campagne s'est déroulée conformément aux attentes. Les joueurs n'ont pas exploré toutes les pistes - c'est le jeu, dans un vaste scénario d'enquête - mais ont réussi à coller les morceaux. La séance finale et le combat furent très appréciés, notamment parce que toute l'équipe a fini à 0 point de vie.

Londres

Séances 4-7. Mon ressenti : négatif.

Les personnages débarquent à Londres après quelques hésitations : certains voulaient se rendre en Australie grâce à la découverte du message de Huston à la boutique Ju-Ju. Dès leur arrivée, ils interrogent Gavigan. L'homme leur sert une langue de bois en bonne et due forme. Bien qu'affable, celui-ci attire la suspicion du groupe : nos héros décident de cambrioler la Fondation le soir même. Le cambriolage tourne mal, le PJ infiltré se fait repérer et un combat s'ensuit, duquel deux des trois personnages présents ressortent salement blessés. Pendant ce temps, Gavigan réagit conformément aux suggestions des auteurs et informe donc Tewfik de l'arrivée des perturbateurs. Naturellement, Tewfik utilise son miroir magique et découvre la localisation des personnages. Il envoie des sbires s'occuper d'eux. Les joueurs décident de faire irruption chez Gavigan et ressortent donc de nuit, malgré les blessures. Ils tombent nez-à-nez sur les hommes de Tewfik et parviennent à les mettre en déroute au prix de quelques éraflures supplémentaires.

Assez inintéressante du point de vue de la campagne, Londres n'en est pas moins une destination meurtrière. En fait, c'est le début de la surpuissance absurde des antagonistes et celle-ci s'incarne entre autres dans le miroir magique de Tewfik. Entre la capacité de visualiser tout et n'importe quoi et la possibilité de déclencher des "arrêts cardiaques" à distance, ce miroir peut facilement décimer un groupe à lui tout seul. Tewfik n'a qu'à visualiser un des personnages du groupe, envoyer ses séides les attaquer et lancer son attaque spirituelle sur le PJ le plus dangereux à un moment crucial. Bravo, le MJ a gagnay !

Incertains quant à l'attitude à adopter, les joueurs choisissent de s'intéresser à la piste de Miley. Ils se rendent chez lui, sont accueillis par sa "mère" et découvrent l'étrange collection de peintures du jeune artiste. Là encore, le groupe décide de s'infiltrer dans la maison pendant la nuit : ils visitent les lieux, trouvent la peinture suspecte dans le réduit du grenier ainsi que les restes humains dans la cave et tentent de fuir. Leur manque de discrétion leur vaut d'être suivis par l'Homme-Serpent. Celui-ci les attaque lorsqu'ils tentent de sortir de la cave, causant la première perte de la campagne chez les PJ. De retour à leur hôtel, ceux-ci sèchent rapidement leurs larmes et analysent l'étrange tableau qui était dissimulé. L'un des PJ se fait aspirer dans le tableau (pour l'anecdote : il s'agissait du second personnage du joueur endeuillé).

Le groupe tente sa chance avec la police, remonte la piste de la pyramide bleue et parvient à identifier un groupe de trois larbins plus importants que les autres au service de Gavigan. Pendant ce temps, le culte ne reste pas assis à ne rien faire : Tewfik envoie des hommes fouiller les affaires des PJ (ils avaient choisi un hôtel miteux, donc mal protégé, pour ne pas attirer l'attention) et Gavigan leur colle le cambriolage et le meurtre de ses deux employés sur le dos. Les PJ se retrouvent dans de beaux draps vis-à-vis de la police : heureusement, le joueur ayant perdu ses deux PJ crée un personnage policier ouvert d'esprit qui parvient à convaincre son supérieur de le laisser enquêter avec le soutien des "suspects". Les joueurs finissent par identifier Tewfik et font irruption chez lui alors qu'il y était préparé. Deux personnages meurent durant l'affrontement, les PJ mettent néanmoins le feu à la boutique avant de s'enfuir. Ils se rabattent alors sur la piste du camion qui les mène jusqu'à la Maison Misr et parviennent à récupérer les preuves de l'implication de Gavigan, Tewfik et tant d'autres dans un culte impie à l'origine de bien des assassinats. Gavigan et Tewfik fuient en Afrique. Les PJ sont innocentés au cours d'un procès équitable et mettent les voiles pour le Caire.

Egypte (partie 1)

Séances 7-10. Mon ressenti : négatif.

Bon point : on constate ici la non-linéarité de la campagne. Les joueurs ont pu quitter une destination et s'intéresser à une autre sans que cela n'engendre de gros problèmes scénaristiques.

En arrivant au Caire, le groupe remonte la piste de Faraz Najir. Les investigateurs cherchent ensuite Auguste Loret, non sans se sentir surveillés par ce qu'ils imaginent être des membres du culte local. Loret les mène aux pyramides de Dashûr, où ils découvrent la salle du trône de Nyarlathotep. Deux personnages succombent dans la scène qui s'ensuit. Le groupe retrouve John, le personnage ayant été aspiré dans le tableau à Londres : il est retourné dans le temps et trouva un portail le menant en Syrie de 1919. Depuis lors, il mène une guérilla contre la Fraternité du Pharaon Noir. Ayant l'impression d'avoir attiré trop d'attention, les PJ décident de quitter l'Égypte et de se rendre sans attendre au Kenya.

Kenya

Séances 10-15. Mon ressenti : neutre.

Le groupe se rend à Mombasa via Port Saïd. Ils font irruption chez Ajah Singh, massacrent ses employés et trouvent ses registres avant de prendre le train en direction de Nairobi. Le train est attaqué, les joueurs choisissent de finir le trajet à pied. Après des jours de marche dans la jungle, ils atteignent enfin Nairobi, puis louent une chambre à l'hôtel. De toutes les pistes qui se présentent à eux, ils s'intéressent à Endicott. L'enquête sur les goules se conclut par une fuite improvisée lorsque celles-ci attaquent le Pavillon en masse, menant un PJ à la mort (John) et blessant grièvement deux autres.

Au moment de rencontrer Gavigan, aucun des PJ présents n'avaient participé à l'enquête de Londres. Impossible, donc, de le reconnaître. Cet ajout de ma part avait pour objectif de donner une chance aux joueurs : Gavigan avait été envoyé ici à contre-coeur et comptait bien mettre des bâtons dans les roues de l'arrogante M'Weru. Il pensait que la Fraternité du Pharaon Noir serait à même d'ouvrir le portail en lieu et place des adorateurs de la Langue Sanglante.

De retour à Nairobi, le groupe convainc des African Rifles de leur prêter main-forte pour reprendre le terrain du Pavillon. Les goules avaient de toute façon déserté les lieux. Les PJ s'intéressent alors à Kenyatta, qui les met magiquement sur la bonne piste. Ils rencontrent Okumu, atteignent la Montagne Noire en évitant N'Dovu, visitent les lieux et tombent sur M'Weru qui prend la vie de deux autres personnages. Mal en point, le groupe tente de rejoindre la civilisation et rencontre un Gavigan déguisé qui était venu au Kenya pour assister à la naissance du Rejeton de Nyarlathotep. Gavigan tente de maîtriser le groupe pour l'utiliser contre le Culte de la Langue Sanglante, mais les PJ parviennent à se défendre grâce à l'intervention de Jo le Silencieux qui les avait accompagnés depuis les événements du Pavillon. Ils fouillent les affaires de Gavigan, découvrent un journal personnel dévoilant sa rancœur à l'égard de M'Weru et choisissent d'empêcher la naissance du Rejeton. Pour ce faire, ils retournent à Nairobi, convainquent des "amis" de Kenyatta (de futurs Mau Mau) de les rejoindre et font route vers la Montagne du Vent Noir. C'est à la grenade qu'ils parviendront finalement à faire exploser M'Weru et Hypathia Masters, avant de terminer l'embryon de Rejeton à grands coups de sceptre égyptien.

Le groupe repart pour Nairobi, mais est à nouveau pris pour cible par les deux frères Singh sur le trajet du retour. Un personnage meurt à cette occasion. Malgré ce nouveau deuil et forts de leur succès, les joueurs pensent qu'il serait pertinent de retourner en Égypte pour finir le travail.

Egypte (partie 2)

Séances 15-20. Mon ressenti : plutôt négatif.

Changement de système à ce stade : on passe de CoC à ToC...

Le groupe se rend au Musée du Caire. Ils y font la connaissance de Kafour qui, comme le bon PNJ quasi-omniscient qu'il est, leur offre une fournée d'informations sur le Pharaon Noir et Nitocris. Les PJ se lancent alors sur la piste de l'expédition Clive : ils offusquent Vanheuvelen en soignant leurs relations avec Bast, découvrent la stèle brisée de la Pyramide Rouge, comprennent la véritable allégeance d'Omar Shakti et se font manipuler par Clive qui parvient à capturer la moitié du groupe. Tant bien que mal, les rescapés découvrent les souterrains sous le Sphinx et arrêtent péniblement la cérémonie de résurrection de Nitocris. Cette fois-ci, le groupe est dans de beaux draps : sans argent ni papier, les survivants (survivantes, pour être plus précis) fuient vers l'Australie en embarquant clandestinement dans un navire de contrebandiers.

Australie

Séances 21-25. Mon ressenti : plutôt positif.

Après diverses péripéties, les survivantes arrivent à Sydney. Elles visitent le musée, puis retrouvent les Cowles chez qui elles passent une premier nuit alors qu'Anthony rend visite à sa sœur en périphérie de la cité. Les deux sont découverts morts, le lendemain : tout porte à croire qu'ils ont été victimes du "meurtrier du fleuve". Les investigatrices se font un devoir de résoudre cette enquête. Elles distinguent les agissements des deux assassins, se lient d'amitié avec les Kooris, font appel à "Elenba Wanda" pour chasser le Bunyip jusqu'à son lieu de repos éternel et laissent filer Seton.

Sans une seconde d'attente, le groupe suit les recommandations de David Dodge : direction Port Hedland, Cuncudgerie, le camp de la mort et enfin la Cité souterraine. Arrivées à la Cité, les investigatrices rencontrent un Polype Volant, prennent la poudre d'escampette, visitent les lieux pendant plusieurs jours et confrontent finalement Huston. Celui-ci parvient à les berner par son discours (elles choisissent de le laisser en vie alors qu'elles avaient l'occasion de l'éliminer). En revanche, elles libèrent le Yithien qui réquisitionne leur force physique en échange de quelques informations. Le groupe passe ainsi plusieurs jours pour déblayer un passage jusqu'à un bâtiment à l'utilité obscure, duquel le Yithien ressort libre de l'entrave de Huston. Il propose au groupe de les emmener une dizaine de jours en arrière, bien qu'un tel voyage dans la quatrième dimension ne soit pas sans risque : sachant que le temps leur manque, le groupe se scinde alors en deux. Celles qui retournent dans le passé ont pour objectif de rejoindre la Chine alors que la dernière a la lourde tâche de retrouver Kadaitcha et de l'éliminer.

Chine

Séances 25-28. Mon ressenti : neutre.

Le trajet vers la Chine est difficile : les investigatrices font confiance à la compagnie Randolph pour le voyage, aussi échappent-elles de justesse à un abordage consenti par des Profonds. Elles rejoignent Shanghai en canot de sauvetage, à la limite de la déshydratation. Sur place, une visite au Tigre Trébuchant ne donne aucun résultat intéressant. Le musée de Shanghai propose en revanche quelques pistes, dont la liste des spécialistes de la Divination dans la cité. Les PJ rencontrent Wing, puis Jia Zhao et Lung, qu'ils parviennent à sauver in extremis de l'envoyé de la Cour Céleste. Un concours de circonstances leur permet également de repérer le général Isoge, avec qui ils parviennent à un accord de surveillance concernant Ho Fong, leur cible désignée (suffisamment de documents l'accusaient d'être un allié de Shakti).

Ce faisant, les investigatrices mettent le feu à un entrepôt de l'homme d'affaires chinois. Leurs agissements attirent l'attention de Brady, qui les rencontre et les met en contact avec la Chine Nouvelle. Ensembles, ils prévoient d'infiltrer la résidence de Ho Fong : à l'intérieur, une investigatrice furtive atteint la chapelle, élimine Choi Mei-Lin à défaut de pouvoir la sauver puis rencontre Stanford et Ho Fong. L'arrivée inopinée d'Isoge lui permet néanmoins de s'enfuir en blessant le chef du culte. Les représailles ne tardent pas : les hommes de Ho Fong traquent les gêneuses et en capturent une, forçant les deux autres à s'allier à Ling Tang Yu pour la secourir (et rapporter, au passage, quelques précieux ouvrages). Comme il se doit, leur allié les trahit et tente de les capturer à son tour, mais les personnages parviennent à fuir. Le groupe fait profil bas pendant quelques jours, jusqu'à ce que Brady et ses alliés terminent la traduction du rituel permettant de recréer un Œil de Lumière et de Ténèbres. Les PJ enchantent une plaque de jade, testent son efficacité à proximité d'un groupe de cultistes et profitent de la venue du navire "la Dame Noire" pour monter à bord et atteindre l'Île du Dragon Gris. Sur place, l’œil est déposé au cœur de la salle des trésors du volcan, forçant Penhew, le Shoggoth et les Profonds à fuir et à envisager un moyen de faire disparaître l’œil et ses créatrices...

La fin

Séances 29-30.

Cette partie a été intégralement improvisée sur la base des actions des joueurs, la campagne ne fournissant aucun détail sur la manière de continuer l'aventure si jamais ceux-ci parviennent à empêcher la naissance du Rejeton.

En Égypte, les personnages capturés par Clive ont été torturés pendant des semaines. L'attaque opportune des derniers fidèles de John sur la demeure de Shakti leur offre une chance de s'enfuir. Ils comprennent que Shakti est parti prendre la place de M'Weru dans l'ouverture du Grand Portail au Kenya et se lancent sur ses traces. Shakti compte compenser l'avortement du Rejeton par un appel à Yog-Sothoth, une divinité décrite comme étant capable de manipuler le temps et l'espace. Il a donc construit une tour au sommet de la Montagne du Vent Noir. Les personnages présents entament son ascension en direction de la tour. Au sommet, ils parviennent à éliminer la brochette de salopards qui s'y trouvent : les frères Singh et Winfield trouvent enfin la mort. Seul, Clive achève néanmoins l'invocation de Yog-Sothoth mais bat ensuite en retraite, appelant Shakti à la rescousse.

En Australie, le dernier PJ présent retrouve Dodge, Ewa et les Kooris ayant participé au bannissement du Bunyip. Ils dévoilent le plan de Kadaitcha : celui-ci rassemble les esprits de l'Alcheringa autour de Ayers Rock, probablement en vue de les amener à la Cité. Le groupe se rend sur place et parvient à abattre le vieux sorcier. Ewa et Dodge, seuls personnages encore vaillants, se rendent à la Cité et réveillent les Polypes Volants pour donner le coup de grâce au Culte de la Chauve-souris des Sables.

En Chine, les Profonds choisissent de se sacrifier en montant la garde au sein du Volcan, par petits groupes. Ils libèrent quelques prisonniers et les forcent à chercher l’œil, puisqu'ils ne peuvent le toucher eux-mêmes. Les PJ et Brady font irruption, abattent les Profonds et parviennent tant bien que mal à saboter la fusée pendant que Penhew repart avec la Dame Noire à Shanghai dans le but d'ameuter des renforts. Lorsque le portail s'ouvre, quelques jours plus tard, les deux personnages présents en Chine choisissent de le traverser pour rejoindre le Kenya.

Le groupe complet atteint le cœur de la Montagne et abat Shakti, mettant un terme définitif à la cérémonie d'Ouverture.


Mon avis

Que dire qui n'ait pas transpiré dans ce message ou qui n'ait déjà été dit dans mon précédent avis ?

L'Australie, ou "Comment exterminer un groupe avec une scène sans intérêt" - à savoir, la rencontre avec les Mimi (qui ne concerne que les personnages masculins du groupe). Les PJ les rencontrent normalement dans le désert, avant qu'ils n'aient pu mettre la main sur une "arme-foudre". S'ils acceptent d'aider les Mimi, ils seront chargés d'éliminer des Polypes Volants qu'ils ne peuvent blesser sans lesdites armes. En sachant qu'un seul Polype peut détruire un groupe, les conséquences d'un "oui" se passent de commentaires. S'ils refusent, les Mimi leur proposent de la nourriture. Les PJ qui mangent deviennent des Mimi, donc des PNJ. Les PJ qui ne mangent pas sont invités à copuler avec les Mimi femelles. Ceux qui le font deviennent des Mimi, eux aussi. Enfin, ceux qui refusent tout sont laissés à l'abandon au milieu d'une grotte sans sortie, avec pour seule optique de survie des journées entières à creuser la terre. Oh, vous avez oublié les pelles à Cuncudgerie ? Il ne reste plus qu'à penser à vos prochains personnages...

J'aimerais insister sur un point qui m'a énormément dérangé durant cette campagne et ce, dès le second chapitre : les antagonistes sont trop puissants et malveillants. Ils veulent la mort des PJ et ont les moyens pour l'obtenir à tout moment. Quand je pense à mes expériences de masterisation précédentes, les antagonistes potentiels dans les scénarios étaient soit suffisamment ambigus pour ne pas vouloir démolir directement les personnages, soit trop faibles pour pouvoir le faire en un claquement de doigts. Pour qui masterise les Masques, la grande question reste perpétuellement : "où est-ce que je m'arrête ?". À Londres, on parle d'une centaine d'adorateurs maléfiques qui peuvent savoir, à tout moment, où se trouve le groupe. En Égypte, on parle d'un richissime et immortel sorcier-devenu-businessman qui contrôle le monde politique, aidé par une horde de fanatiques présents dans toutes les strates de la société. Au Kenya, on parle de 20'000 cultistes, d'une sorcière disposant de 400 points de magie et de l'enfant d'un Dieu. Finalement, la Chine fait presque office de repos avec ses multiples factions qui s'opposent et peuvent être manipulées. Quant à l'Australie, si vous ne jetez pas purement et simplement certains passages, vous allez vous retrouver avec plusieurs massacres automatiques du groupe. Il y a une différence entre "instiller un sentiment de peur" et "massacrer gratuitement des PJ", mais cette campagne ne la saisit absolument pas.

Que peuvent faire les PJ pour résister ? Apprendre la magie, pardi ! Outre le risque de transformer Cthulhu en vulgaire jeu Fantasy où s'échangent boules de feu et éclairs mortels, cette option n'en est pas une. Le système de l'Appel ne permet en aucun cas aux PJ d'apprendre des sorts durant cette campagne.

Démonstration :

  • Il faut déjà mettre les mains sur un ouvrage du Mythe et en connaître la langue. Pour rappel, les bouquins importants de cette campagne sont écrits en Arabe, Grec, Égyptien ancien et Chinois. Il y a des chances qu'un PJ soit doté d'au moins une de ces langues, mais ça va déjà limiter les possibilités du groupe.
  • Pour obtenir le droit d'en retirer quelque chose, il faut comptabiliser 7 jours de lecture (8h EDIT : 4h-6h par jour). Déjà là, ça coince lorsqu'on est constamment pourchassés par des affreux.
  • Il faut maintenant faire un jet pour en retirer quelque chose. Le jet en question, c'est une opposition Bibliothèque du PJ vs Complexité de l'ouvrage. Les ouvrages intéressants de cette campagne sont assez souvent cryptiques, soit 90% de réussite.  On soustrait la réussite du livre à celle du PJ.
  • Si le PJ obtient une réussite, un (parfois deux) point de Mythe de Cthulhu est gagné. Pour un sort, il faut obtenir une réussite spéciale.

En sachant qu'un PJ balèze a environ 70% en Bibliothèque, on peut estimer les chances d'obtenir un sort à environ 2.5% par essai. L'apprentissage d'un sort est un exemple parmi tant d'autres des incohérences du système par rapport aux données techniques de cette campagne. On pourrait également citer les caractéristiques imbuvables de la plupart des larbins qui s'en prennent au groupe (impact +2, 12-15 points de vie... heureusement qu'ils ont des compétences d'attaque pourries).

Résumé jusqu'ici : tant le scénario que le système condamnent les joueurs à refaire des personnages toutes les deux séances en moyenne. Et ça, c'est si la meneuse est gentille et évite de dégoûter ses camarades de jeu.

À côté de ça, l'intérêt de la campagne s'étiole vite. Quand je repense au premier chapitre et que je le compare à la fin de la campagne, ça me donne l'impression d'un beau gâchis : Sans Détour a fait un travail de qualité en offrant de nombreuses informations pour restituer le charme des destinations visitées, mais cet aspect devient vite secondaire quand tout le monde est accaparé par les monstres hideux et la bande de cinglés qui poursuivent le groupe. Du coup, seuls les passages un peu plus tranquilles nous ont réellement permis de profiter de l'ambiance : New York, l'enquête sur le Bunyip, éventuellement le passage avec Vanheuvelen et celui avec Endicott. Ça fait peu.

Les moments forts de la campagne sont également difficiles à mettre en scène. Je pense particulièrement à la Naissance du Rejeton de Nyarlathotep, à laquelle les PJ doivent assister. En général, quand les joueurs prennent part à un tel événement, ils tentent quelque chose à moins que la scène ne les force à être spectateurs (ce qui n'est pas le cas, en tous cas par défaut). En tant que MJ, j'avais le choix entre massacrer les personnages présents (sachant que deux persos étaient morts lors de la séance précédente) ou limiter arbitrairement la violence des antagonistes afin d'offrir aux joueurs l'impression de servir à quelque chose. J'ai choisi la deuxième option, le Rejeton n'est donc pas né. La campagne n'avait strictement rien prévu en remplacement, comme s'il était évident que les PJ ne pourraient empêcher la naissance.

Pour ne rien arranger, j'ai également ma part de tort au niveau de l'exécution de cette campagne. Entre ma lecture approximative des plans (pourtant essentiels) et la hâte que j'avais de faire avancer l'histoire pour éviter qu'elle ne s'embourbe (Brady est tombé sur le groupe bien trop rapidement), les joueurs ont probablement manqué certains souvenirs mémorables qui auraient pu améliorer le tableau.

Il n'en demeure pas moins que nous avons fini cette campagne : c'est une preuve suffisante qu'elle dispose de qualités bien réelles, parmi lesquelles un contenu généreux et surtout, une liberté servie par la structure modulaire ingénieuse de l'ouvrage. À ce titre, le passage en Chine était parlant. Il a été possible d'improviser totalement une séance sur un échec critique malvenu d'un joueur. Tout s'est enchaîné naturellement, sans que rien n'ait été prévu à l'origine : la capture d'un PJ, l'alliance avec Tang Yu, les tentatives du vieux pervers pour garder les PJ (tous féminins) pour son harem, etc. Cette optique "boite à outils" compense partiellement le manque d'intérêt du scénario et l'absence de moments forts.

Ma conclusion restera sensiblement similaire à celle d'il y a un an, quoiqu'un peu plus négative. "Les Masques de Nyarlathotep", c'est une campagne dont les racines sont vieilles. Trop vieilles. La jouer n'est pas chose aisée et il existe de nombreuses aventures - tant dans l'Appel de Cthulhu que dans d'autres jeux de rôle - qui méritent bien plus votre intérêt. Les éditions Sans Détour devraient s'essayer à la rédaction d'une campagne originale de sorte à s'affranchir d'un matériau de base rance qui contraste avec la qualité de leurs contributions.


Si vous souhaitez malgré tout masteriser "Les Masques de Nyarlathotep", je ne peux que vous conseiller les émissions de Roliste.tv sur la campagne. Le présentateur a pas mal de bouteille et peut vous offrir des conseils bien pratiques pour rendre certains passages problématiques plus intéressants (au hasard, le passage dans la pyramide inclinée).

Finalement, vous trouverez quelques commentaires à cet article sur le forum. N'hésitez pas à y laisser les vôtres !